La chaise au bord de la route.

Je te croise quatre fois par jour toi, la fille blonde aux yeux bleus et ta chaise aménagée d'un coussin depuis plus de deux mois.

Des 9 heures du matin tu prends ta place sur le bord de la nationale a la sortie de ma ville. Tu installes ta chaise en rotin et son coussin bleu sur cette aire de repos qui sert normalement a vendre des fruits et légumes. Depuis que tu es la, ils ne viennent plus avec leur camion et leur étale. Tu dois leur faire peur. Ils ont tord, si il y a des clients pour toi, ce sont des clients potentiels pour eux.

Les hommes qui s'arretent peuvent tout aussi bien acheter un kilo de pommes de terre ou des barquettes de fraise, il faut bien satisfaire ses besoins. 

J'ai croise ton regard, un matin bien a l'abri dans ma voiture. Tu me vois passer, tu connais ma voiture, tu sais que c'est moi. Comme je suis ponctuelle, tu connais mes horaires pas besoin de regarder ta montre. Seule au bord de cette nationale dans le froid, sans abri pour te reposer, te réchauffer ou même te soulager j'ai de la peine pour toi. Qu'est ce que tu dois t'ennuyer a arpenter cet espace toute la journée, je ne sais même pas si on vient te chercher pour déjeuner.

Tu as un visage d'ange, blonde avec des cheveux bien coiffés aux épaules, des yeux bleus, tu es jolie, toujours habillée décemment, sans jamais une faute de goût. On pourrait presque croire que tu fais du stop, que tu t'es perdue si la chaise et la bouteille d'eau n'etaient pas la.

J'imagine ton quotidien mais il est encore bien loin de ta réalité. Comment t'as ton mis la, jeune fille d'a peine 20 ans. Un jour tu as été une petite fille qui rêvait d'être princesse, un jour tu as rêvéé d'avoir un métier, un foyer, un mari et des enfants peut être. Maintenant tu es la sur le bord de cette route a supporter les phrases hurlées aux portières des voitures aux vitres ouvertes, des sifflements des cyclistes, des concerts de klaxons quand ce n'est pas des mégots de cigarettes ou des crachats. Et demain, ou seras-tu?

Un jour il va y avoir un accident. Les voitures ralentissent a la sortie du virage, les deux roues ne vont plus droit, ils ne vont pas pouvoir te laisser la en été. En hiver ça va, on est entre nous mais en été avec tous ces touristes, ils vont te demander d'aller un plus en dedans des terres, dans un petit chemin derrière a l'abri des regards et la tu ne seras plus en sécurité. Si il t'arrive quelque chose plus personne ne pourra venir t'aider mais au moins la morale sera sauve. Ou alors ils te mettront comme on déplace un meuble dans une maison aménagée comme il y en a tant ici. Une maison comme les autres dédiées a cette activité, a l'abri des regards. 

Ce midi en rentrant tranquillement chez moi je vais encore te croiser. Ton regard va fixer le mien pendant deux virages puis tu retourneras a ton travail pendant que moi je retrouverai mes animaux et mon foyer. Encore un jour de plus ou je n'aurais pas oser te parler juste te sourire c'est la seule chose que je suis capable de faire pour toi, juste un sourire auquel tu réponds . C'est peu, c'est déjà ça. On ne parle sûrement pas les mêmes langues, n'avons certainement rien en commun mis a part le fait de se croiser quatre fois par jour sur le bord du chemin.