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Chimeres et Tourbillons
9 novembre 2012

Un aller sans retour.

autoroute1Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas mis les pieds dans une grande ville et on ne m'y reprendra plus. La circulation, les bouchons, les klaxons, les rond points a profusion, l'absence de signalisation, je devais voir Valencia, j'ai vu Valencia et suis vite retournée chez moi, dans mon trou coince entre mer et montagne. 

Depuis que je travaille au Centre, j'ai réussi a repousser toutes les réunions de la maison mère mais cette fois, il fallait que j'y aille, au moins une fois pour montrer mon engagement, ma détermination a faire partie de l'equipe. Le point positif est que j'ai pu rencontrer les autres kinésithérapeutes des autres centres. L'organisation pour laquelle je travaille est tentaculaire et possède des nombreux centres. Je suis la plus éloignée, 150 km aller, 150 km retour soit 300km, soit 3 heures de route pour 4heures de réunion dont 45mn de pause "café" avec 15 autres therapeutes qui, comme moi vont toucher la moitie de leur salaire de misere le mois prochain (mes frais d'ailleurs seront ils rembourses?) mais il ne faut pas en parler, cela n'est pas dans les thematiques prevues. Mais de quoi va -t-on parler alors?

autoroute2

Ce fut une surprise de taille, j'aurais pu penser a plein de choses mais certainement pas de rencontrer "miss informatique". Je comprends que nous ne fassions pas dans le philanthropisme mais cela concerne la direction pas mon corps de métier, moi, c'est l'humain, la peau, les membres, l'autonomie, le respect du corps.

Pendant 3 heures, on m'a parle de productivité, de tableau quantitatif, de rentabilité..et stop je n'ai pas fait d'etudes commerciales ni informatiques d'ailleurs. Je ne sais pas faire de cammenbert, de schémas, de tableaux sur un ordi. La, la dame, elle m'explique que tous mes patients, ils doivent rentrer dans son tableau que ce n'est pas possible autrement, que chaque patient va a son protocole, qui lui même rentre dans un programme, que je ne dois pas faire de thérapie individuelle mais seulement de groupes, que tous doivent rentrer dans ses cases. C'est comme ça, c'est la politique de l'entreprise. Ce n'est pas l'un ou l'autre, pas le choix des cases, pas de cas particuliers. Je suis a la tête d'un centre de vacances pour jeunes adolescents pre-puberes, tous valides cognitivement et physiquement débordants d'energie et qu'il faut occuper a chaque moment ensemble, tous ensemble. Attends, poulette c'est pour bientôt pour moi les occupations non stop avec l'unite psycheatrique, mais on n'y est pas encore.

Elle a jamais mis les pied dans un centre geriatrique "miss informatique", elle connaît pas les pathologies, ni la démence, ni parkinson, ni alzheimer, elle a pas fait médecine faut pas lui en vouloir, c'est pas dans ces attributions. Mais il faut que nous comprenions l'importance de ses tableaux sinon ...

...elle fait une colère, elle commence a transpirer quand on lui explique que ce n'est pas possible, que cela ne marche pas comme ça, qu'il faut évaluer la douleur aussi, faire plus de cases, d'entrees dans son tableau...elle cherche, elle voit rouge, elle bouge les cheveux, les attache, les relache, enleve son pull, boit de l'eau, a des tics. Pas prévu ça, dans la thématique du jour. Alors elle cherche désespérément une échelle quantitative de la douleur, mais c'est trop complique, trop abstrait, il faut qu'on oublie de toute façon on ne peut pas faire des soins cibles, juste en groupe alors c'est pas grave.

Pas grave, non mais dommage, réellement affligeant de devoir mettre des étiquettes a tous mes vieux et surtout qu'ils n'aient pas mal, parce que cela ne peut être pris en compte dans le système informatique, il n'y a pas de case. Il bug le système, il est en surchauffe. Même pas mal.

J'ai vu Valencia, je ne suis pas prete de retourner a Valencia et tous ces shemas elle peut se les mettre ou je pense!

Je vais continuer a faire mon travail comme je l'entends, loin tres loin de la direction et de ces programmes bidons. Je prendrai en charge la douleur autrement qu'en shoutant mes patients aux antalgiques, je continuerai mes soins collectifs mais aussi individuels parceque mon metier est avant tout un metier tactile, d'ecoute et de compassion, je ne suis pas animatrice au club Med!

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