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Chimeres et Tourbillons
19 octobre 2012

Dans la cuvette.

poule_couveuse-"Alors, me dit l'infirmiere derrière une vitre elle a pondu son oeuf?" 

Cette phrase la, je la garde en mémoire depuis bientôt 20 ans, le ton de la voix aussi, ironique sans un seul brin de compassion. Je garde aussi les battements de son coeur, bien que je n'ai pas vraiment compris l'interet de l'echographie d'un bébé qui allait partir quelques heures plus tard. Pour me punir j'imagine, pour me donner une leçon aussi, pour ne pas que je recommence.

J'avais 16 ans, j'etais mineur, je devais avoir l'accord de mes parents pour avorter, ils devaient aussi m'accompagner devant les portes sécurisées du service. Je garde en mémoire le trajet en métro pour aller dans cet hôpital qui n'existe plus aujourd'hui, le regard de mon père, baisse; j'avais honte mais pas pour ce que l'on croit. Ce bébé, bien que non désiré, je le voulais vraiment, même si je n'etais qu'en seconde, même si le père, pas plus âgé que moi le refusait, promis a un brillant avenir, a de longues études. Moi, moi seule, j'aurais voulu le garder.

-"Ce n'est pas possible tu comprends, ton avenir, tes études, tu as la vie devant toi pour avoir des enfants. Tu n'as pas de diplôme, pas de ressource, tu en auras d'autres plus tard."

Tout cela, je le savais mais j'aurais voulu qu'on l'envisage, juste un moment, ce bébé aurait pu avoir une place dans notre famille puisqu'il avait déjà une place dans mon coeur. Au lieu de ça, on m'a force la main, fait jouer les relations pour m'obtenir un rendez vous rapide, pour que ma vie reprenne son cour, comme avant, on ne m'a pas laisse le choix. 

poussi10Comme avant...mais plus rien n'a été comme avant. Ni dans mon corps meurtri par ce vide, ni dans mon coeur déçu a jamais, ni dans ma tête. 

Oui, ce jour la dans cette cuvette de toilette désaffectée, j'ai perdu une partie de moi, elle devait jubiler l'infirmiere. Je me suis rhabillee en vitesse pissant le sang dans mon jean, mais je ne voulais pas la déranger davantage..il aurait fallu que quelqu'un de majeur vienne me chercher mais bon, le travail était fait alors ils m'ont laisse passer les grilles seules. Lorsque je suis sortie, il y avait une manif anti-avortement devant la grande porte de l'hôpital. J'avais le pantalon trempe mais c'était de ma faute, qu'on me bannisse, qu'on m'excommunie.

Je suis rentrée en metro. Ma mère, a mon arrivée a l'appartement m'a demande de déchirer tous les papiers témoignant de ce "faux pas"de cette "erreur de jeunesse", cela ne devait pas se savoir. Une déchirure béante venait de se créer entre elle et moi. Nous n'en avons jamais reparle.

D'ailleurs, je n'en reparle jamais. La colère et la souffrance se sont atténuées mais il y a toujours ce vide même si depuis j'ai eu deux autres enfants. Ils ont un frère, un grand frère, qui aujourd'hui si on m'avait permis, si on m'avait écouté et pris en compte mon avis, aurait presque 19ans. Il se serait appelé Sasha. Pas un seul jour ne passe sans que je ne pense a lui.

 

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Commentaires
V
courage, ne pas l'oublier est la plus belle chose que tu puisses faire pour lui ...<br /> <br /> bises
N
Pffff je suis toute retournée par ton article....Et après on vient nous parler d'avortement de confort........ C'est loin d'être confortable, et c'est loin d'être un acte anodin, même si on le fait sans être forcée..... Je ne sais que dire pour te réconforter...Courage ♥
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